A 30 ans, Asma NIANG est une judoka de la catégorie moins de 70 kilos. Après avoir longtemps évolué en France, elle fait partie de ceux qui ont opté pour un changement de nationalité, avec pour seul objectif, l’or Olympique à Rio en 2016. Dimanche, elle a brillamment remporté le Grand Prix d’Allemagne, sous les couleurs du Maroc, en terrassant sur son passage, la coréenne KIM Seongyeon, médaillée de bronze des derniers mondiaux, la néerlandaise Linda BOLDER (vainqueur du grand chelem de Bercy début février), avant d’en découdre avec la Britannique Sally CONWAY en finale. Rencontre…
-Selon toi, qu’est ce qui a fait la différence pour remporter le grand Prix d’Allemagne ?
Il y a eu un gros travail qui a été réalisé après ma montée en moins de 70 kilos au niveau technique et tactique. J’ai un judo très agressif et explosif. Pendant ce tournoi j’ai eu l’impression d’être au-dessus mentalement et physiquement. Je pense que c’est ce qui m’a aidé au fur et à mesure que j’avançais dans la compétition.
-Tu as surclassé des adversaires qui sont actuellement dans les meilleures de ta catégorie, au niveau mondial. Quelle a été ta stratégie ? As-tu effectué une analyse vidéo ?
Pour toutes les filles présentes sur la liste de compétition j’ai utilisé la vidéo. Début février, lors Grand Chelem de Paris Bercy je me suis inclinée face à la néerlandaise BOLDER. Cette fois-ci j’ai fait un grand travail d’analyse vidéo avec mon entraîneur pour trouver des failles. L’objectif c’était d’être précise sur le kumikata (la garde en japonais) et attendre le moment opportun pour pouvoir déclencher une attaque.
CONWAY, la britannique m’avait déjà battue deux fois au sol, donc la stratégie c’était de ne laisser aucune ouverture, car les anglais sont connus pour être de très bons techniciens pour ce qui est du travail au sol. Bien avant la compétition et avant que le tirage au sort ne soit dévoilé, je savais que je pouvais la rencontrer donc je l’ai étudié très attentivement.
-Il y a quelques temps tu étais encore inconnue au niveau international. Comment expliques-tu cette explosion ?
Je suis autodidacte, j’ai commencé le judo à l’âge de 20 ans, j’ai donc pas eu la chance d’intégrer une structure et surtout d’avoir une carrière junior prometteuse. Depuis mon plus jeune âge, je rêve de participer aux Jeux Olympiques peu importe la discipline. Aujourd’hui je suis consciente que cela peut se réaliser en judo. A cœur vaillant rien n’est impossible et j’irai au bout de mon combat. Le travail paye toujours. Ma marge de progression est encore énorme du fait de mes débuts tardifs en judo et je sais que j’en ai encore sous le pied pour aller décrocher encore des podiums internationaux.
-Tu as décidé après les jeux de Londres de tenter ta chance au Maroc, pays pour lequel tu as la double nationalité. Tu n’avais pas ta place en France ?
La structure française ne pouvait pas me faire confiance dans la mesure où je n’avais pas de CV en poche. Il ne faut pas oublier qu’en France la concurrence est rude. J’étais dans la catégorie de Lucie DECOSSE, championne Olympique en titre. Je n’ai jamais eu l’opportunité d’aller plus loin, j’étais seulement une bonne partenaire et j’ai utilisé cela pour avancer. Je me suis dit que je pouvais être plus qu’une partenaire et c’est pour cette raison que j’ai décidé de tenter ma chance au Maroc. Mon pays natal.
-Tu laisses derrière toi l’un des meilleurs systèmes en terme de structure d’entraînement. Comment t’organises-tu actuellement ?
Montreuil Judo, mon club français m’apporte un soutien technique et surtout familial. Pour le reste je me gère seule, je travaille à côté pour subvenir à mes besoins . Mes déplacements en compétition sont pris en charge par le Maroc. J’ai laissé mon métier de pompier pour me consacrer pleinement à mon objectif et je pense sincèrement que cela paiera.
-Est ce que ton changement de nationalité a changé ta vie ?
Littéralement. C’est la plus belle décision que j’ai pu prendre de toute ma vie. C’est surtout une expérience que je n’aurais jamais vécu en restant combattre pour la France. Aujourd’hui je suis dans les meilleures mondiales et je m’épanouis totalement dans ce que je fais.
-Tu as fait preuve d’une décontraction totale lors de la compétition. Ne penses-tu pas qu’en voyant ta prestation, d’autres judokas français vont vouloir aussi s’exiler ?
Le problème c’est qu’en France, il y a trop de concurrence, les combattants ont toujours peur de mal faire ou de ne plus être sélectionnés. Moi je suis seule dans ma catégorie, je suis libérée alors qu’en France chaque jour il y a quelque chose à prouver même à l’entraînement. Je n’incite personne à faire la même chose que moi, mais je pense sincèrement que chacun doit suivre sa légende personnelle. Il faut simplement écouter son cœur et foncer. Moi je l’ai fait et je ne suis pas déçue.
-Après ta victoire en finale en Allemagne, tu as levé les mains au ciel et murmuré quelque chose. Es-tu croyante ?
Oui je suis très croyante j’ai une très grande foi qui m’aide chaque matin à me lever pour accomplir des choses nouvelles. Ce geste était un message de remerciement envers dieu.
-Quelle est ta prochaine échéance ?
Je serai présente sur le Grand Prix de Turquie fin mars.
PROPOS RECUEILLIS PAR S.L